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Deux Corps

by Hir*shima m*n am*ur

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1.
Deux Corps 11:46
Deux corps tendus. Cela fait déjà plusieurs heures que nous avons pris la route, sans destination, ni défiance. Le sentiment que le chemin que nous traçons ne laissera aucun sillon. C’est un voyage, un début et nous serons deux lointains souvenirs pour tous. Nous n’entendons rien que le bruit du moteur, des essuie-glaces et du crépitement continu des gouttes. Une musique entêtante qui accompagne notre silence et les réminiscences du passé. Elles nous traversent le corps et l’esprit comme une balle, inopinément et brutalement. Cette obstination à ne plus avoir de pensées, à vouloir faire le vide dans sa tête, ça ressemble à de la peine, c’est une longue apnée que l’on interrompt par des ahanements bruyants mais finalement qui se réinstalle aussi rapidement qu’elle a été chassée. Par moment je prends conscience de la douleur que provoquent mes doigts crispés sur le volant, je les dégourdis un peu mais instantanément je me repositionne nerveusement. C’est qu’il faut affronter la pluie et la nuit qui tombent l’une comme l’autre devant nous comme de lourds projectiles balancés du ciel. Le corps est un ballast de chemin de fer perclus à chaque départ. Unetrajectoire s’illumine issuedes ombrespassées. Le regard vissé sur le centre de la route, des traits blancs défilent, apparaissent, disparaissent à espace régulier. Les alentours ne sont que des fantômes sombres, arbres frêles, réverbères oscillants ou collines spectrales. Ephémères cherchant un lampadaire pour oublier la nuit, nous ne sommes que deux voyageurs égarés, deux sinistrés hagards loin de leur vie, loin de leur réserve. Deux corps tendus. Deux corps conquérants. La délivrance, le soulagement contrastent avec la résistance de l’esprit à ne pas rompre ses habitudes. Un chien même battu retourne à son maître, non? Il y a tellement de nous qui s’accroche au passé, par on ne sait quelle volonté, alors se joue une guerre intestine qui ne connait pas la trêve. Il n’était pas encore une heure du matin lorsque nous avons pris ladécision sans regret, sans amertume. D’un commun accord le présent était scellé, nous partons d’ici. L’avenir devrait, on l’espère, réserver des surprises mais le présent est la certitude, le libre choix. Nous savons bien ce qui restera derrière mais nous avons le sentiment qu’il y a une force supérieure qui nous guide, nous accompagne et nous veut déterminés. On ne peut pas prétendre à mieux que fuir. On emporte quelques affaires, ces choses que l’on croit essentielles mais qui en réalité sont dispensables et encombrées de souvenirs. Comme dernier adieu j’attrape ma veste à capuche qui était sur la patère derrière la porte. Nous partons. Je lui donne la main. Ce geste résonne comme un chant des possibles et des vertiges. Nous ne sommes plus seuls. Nous sommes deux. D’aucuns pensent que la liberté se prend, nous avons compris qu’elle se conquiert. Je ne te lâcherai plus. Tu deviens mon unique repère. Tu es l’indice dans la nuit noire. Des heures de route, la pluie a cessé, le jour s’ouvre enfin sur la campagne d’automne, silencieuse et vert-jaune. Une douceur qui appelle une beauté, le répit nous est offert par les halos éblouissants du matin. Tu dors seulement depuis que la lumière caresse ton visage. Deux corps conquérants. Deux corps absents. Le trajet indéfini, improvisé s’associe aux variations picturales du matin. Le regard se disperse et se pose sur autant de tableaux. La route semble s’ouvrir devant nous pleine d’espérance et de bienveillance. Il n’y a plus de sinuosités mais des routes rectilignes comme si le moral influait directement sur les trajectoires. Je regarde alentour avec des convictions. Je perçois le monde parce que je le désire. J’ai soif, j’ai faim, j’ai des envies et je te vois comme la première fois. Tous les deux nous avions neuf ans lors de notre première rencontre et pourtant aucun souvenir de la façon dont notre amour s’est noué. A quel moment s’est-on croisés? A quel moment s’est-on compris? Je ne le sais pas. Je ne souhaite pas le savoir. Origine immémoriale. J’aime à croire qu’une histoire sans début est une histoire sans fin. Je n’avais qu’une existence transparente et un langage trouble, tous les deux marqués de l’empreinte de la terre. J’allais et venais, de l’école à la maison puis de la maison à l’école. Une entreprise solitaire où le regard et le corps fuyaient de part en part, de jour en jour. Je me percevais comme une ombre ambulante. C’était une rentrée d’école comme les autres, appréhendée et triste mais l’ombre était plus imposante que les années passées car elle était formée de deux corps d’enfant qui tournaient le dos au soleil. Finalement elle ressemble à cela notre rencontre. Unepromenade, deux fantômes et un soleil radieux. Nous remontions la même colline, d’un même pas et son chemin se poursuivait plus haut, jusqu’au bocage qui abritait sa maison. Sans mots, paisible, je l’observais et je l’aimais déjà. Je ne le savais pas. Deux corps absents. Deux corps enfants. Deux spectres énamourés qui prenaient leur envol. Rien ne se disait. En longeant les labours et les guérets, nous devenions de belles promesses, une foi réciproque, totale et vive. Nous partions d’un pas harmonieux puis quelques mètres après le portail de l’école, l’un ou l’autre s’écartait, se distrayait, se laissait distancer mais, seulement et simplement, parce que l’attente de l’un était la victoire de l’autre. Les rôles s’inversaient, les parcours s’étendaient, les saisons passaient et les errements persistants devenaient des destinations singulières. Les ombres abalourdies que nous étions sont devenues des corps. Les silhouettes encore vaporeuses perdaient leur carapace. Les contours frémissants n’étaient plusdes esquisses. La vie, la famille, l’école heurtaient. Pourtant, plus rien n’était comme avant. A s’appartenir on pouvait bâtir un empire. Les paysages comme les visages n’avaient plus la force de nous chahuter. L’union de la carpe et du lapin dans le décor d’une campagne séculaire et morne. Voilà ce que nous représentions. Autant dire des parias, entreprenants et insouciants, mus par la volonté de s’initier à la vie. On a compris très vite que l’absence de mots était notre langage. Notre force était régie de longs silences et de notre envie de celer les discours. Pourquoi des mots? Nous n’en éprouvions ni l’envie, ni le besoin. Sans doute aussi que l’attention que l’on se portait, inhabituelle pour nous, était le luxe ultime que l’on s’offrait. Je te regarde si longuement que tes gestes et ton regard deviennentdes phrases. On nous a fait naître dans un dédale, un labyrinthe obscur et cruel mais nous avons trouvé un chemin de traverse pour rejoindre la mer. Deux corps enfants. Deux corps exaltés. Deux brebis égarées dans une arène de terre et de ciel. Chaque jour d’école, l’impatience de se retrouver, la marche groupée. Un espace que l’on se dédiait de façon inconditionnelle. Une transformation vertueuse qui nous rendait fiers comme Artaban sur la voie royale. Chaque jour ce rendez-vous, cette liturgie qui rendait notre relation insaisissable et imperfectible. Peu à peu les horizons sont devenus des oracles annonçant la rémission et l’amour. Nous étions, en quelque sorte, revenusd’une longue traversée d’hiver et les phénomènes prenaient sens. Nous ne résistions plus à la folie qui nous guettait. Un déséquilibre permanent qui nous servait d’exutoire. L’envie irrépressible de désapprendre le monde, de s’en soustraire. Si l’un de nous prenait un bâton pour marquer les chemins de terre de son passage alors le jeu consistait à inventer des sortes d’agroglyphes que nous imaginions messages au ciel. Des heures à tracer des cercles, des triangles, des lunes et des toits de maison. Une chorégraphie secrète pour un dialogue intime. Visages révulsés dans une danse insensée et chamanique. Nous balancions les bras, les jambes pour alerter le firmament azuré que nos esprits fébriles et impatients se dirigeaient vers lui. Quelques cris accompagnés de souffles courts. Un répertoire minimaliste que l’on concluait fragiles car la fin avait toujours un goût de rupture. Là-haut, lorsque nos chemins se séparaient, nos corps fatigués par le ballet devenaient des dépouilles. Une langueur térébrante. Les promesses de se retrouver devenant le dernier rempart avant la nuit. Deux corps exaltés. Deux corps secrets. Nous acceptons le mystère des non-dits. La plupart d’entre nous est convaincue de la nécessité des dialogues parce qu’ils permettent les explications et l’assentiment mais nous ne sommes pas du même bois. Nos mots absents sont un édifice en construction, ils aspirent toujours à nous bâtir un asile. Je n’ai jamais cru l’assertion d’Eluard lorsqu’ il écrivait «les muets sont des menteurs». Non pas que les mots n’aient pas de sens mais nous avons faits de nos corps des réponses, une désapprobation est une contraction, un clignement une adhésion. Notre ascèse muette est un élan impétueux de l’un vers l’autre. La grandeur comme la médiocrité des sentiments ne se disent pas. J’ai formé des rondes avec de jeunes hêtres. J’ai avancé sur des marelles avec des saules. J’ai fait l’école buissonnière avec des charmes. Je croyais que les arbres étaient des hommes. J’ai compris que la forêt était moins une allégorie qu’une réalité, elle avait plus de cœur que les hommes. Puis nous nous sommes atteints. Ta main est devenue branche et ta bienveillance une clairière. Au bord de la route le panorama est fugace, les campagnes deviennent villes et les villes deviennent campagnes. Une succession imprévisible, des apparitions sporadiques de maisons, garages, haies, stations, portails et autres panneaux. Ce sont autant d’ingrédients d’une vie que nous pourrions construire, une vie à laquelle nous pourrions prétendre, une vie vers laquelle nous avançons. Inéluctable rêverie d’un itinéraire sans retour, indispensable étendue pour une marche en avant. Deux corps secrets. Deux corps embrasés. Par moment notre avancée est d’une grande douceur, une grâce chaleureuse quiconstitue la gangue de meilleurs auspices. Nous profitons paisiblement de notre fuite. Nous percevons enfin la saveur de la liberté idéelle qui s’offre, naissante et hospitalière. Notre premier arrêt se fait dans une zone âcre où la tristesse d’une épave de remorque le dispute à la laideur d’un portail. Un pseudo parking qui ne nous attendait pas. Une atmosphère délétère qui ne nous pénètre pas. Une immunité de circonstance. La soirée approche et ce lieu circonscrit ne nous inquiète pas plus que les lisières de nos champs. Les édifices passés s’écroulent. La longue et lente libération opère. D’un passé trop lourd, d’une misère trop grande. D’enfants, nous passons à adultes sans héritage.Les principes des hommes sont des frontières inamovibles. S’en éloigner est-ce s’en libérer? La réponse claque comme la dissidence espérée. Nos corps sont si proches qu’ils forment un territoire. Nous n’étions que des arbres désertant la forêt, nous sommes enfin de chair à nous prêter serment, àvivre intensément notre nouvelle vie. Nos désirs s’accordent et ils nous brûlent. Nous sommes un feu dans la nuit qui s’avance. Que reste-t-il au-delà de l’envie irrépressible de vivre ? Que reste-t-il au-delà ? Que vaut l’amour auprès de la survie? La voiture est partie dans une danse folle, de celle dont nous avions le secret. Malgré la volonté farouche de nous garder intacts, je n’ai pas pu suivre la route. J'ai compris. Les mots n’auraient jamais suffi. Nous sommes une comète. Le matin se lève sur une épave calcinée. Deux corps embrasés.
2.
Chapitre 1 01:39
Deux corps tendus. Cela fait déjà plusieurs heures que nous avons pris la route, sans destination, ni défiance. Le sentiment que le chemin que nous traçons ne laissera aucun sillon. C’est un voyage, un début et nous serons deux lointains souvenirs pour tous. Nous n’entendons rien que le bruit du moteur, des essuie-glaces et du crépitement continu des gouttes. Une musique entêtante qui accompagne notre silence et les réminiscences du passé. Elles nous traversent le corps et l’esprit comme une balle, inopinément et brutalement. Cette obstination à ne plus avoir de pensées, à vouloir faire le vide dans sa tête, ça ressemble à de la peine, c’est une longue apnée que l’on interrompt par des ahanements bruyants mais finalement qui se réinstalle aussi rapidement qu’elle a été chassée. Par moment je prends conscience de la douleur que provoquent mes doigts crispés sur le volant, je les dégourdis un peu mais instantanément je me repositionne nerveusement. C’est qu’il faut affronter la pluie et la nuit qui tombent l’une comme l’autre devant nous comme de lourds projectiles balancés du ciel. Le corps est un ballast de chemin de fer perclus à chaque départ. Unetrajectoire s’illumine issuedes ombrespassées. Le regard vissé sur le centre de la route, des traits blancs défilent, apparaissent, disparaissent à espace régulier. Les alentours ne sont que des fantômes sombres, arbres frêles, réverbères oscillants ou collines spectrales. Ephémères cherchant un lampadaire pour oublier la nuit, nous ne sommes que deux voyageurs égarés, deux sinistrés hagards loin de leur vie, loin de leur réserve. Deux corps tendus.
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Deux corps tendus. Cela fait déjà plusieurs heures que nous avons pris la route, sans destination, ni défiance. Le sentiment que le chemin que nous traçons ne laissera aucun sillon. C’est un voyage, un début et nous serons deux lointains souvenirs pour tous. Nous n’entendons rien que le bruit du moteur, des essuie-glaces et du crépitement continu des gouttes. Une musique entêtante qui accompagne notre silence et les réminiscences du passé. Elles nous traversent le corps et l’esprit comme une balle, inopinément et brutalement. Cette obstination à ne plus avoir de pensées, à vouloir faire le vide dans sa tête, ça ressemble à de la peine, c’est une longue apnée que l’on interrompt par des ahanements bruyants mais finalement qui se réinstalle aussi rapidement qu’elle a été chassée. Par moment je prends conscience de la douleur que provoquent mes doigts crispés sur le volant, je les dégourdis un peu mais instantanément je me repositionne nerveusement. C’est qu’il faut affronter la pluie et la nuit qui tombent l’une comme l’autre devant nous comme de lourds projectiles balancés du ciel. Le corps est un ballast de chemin de fer perclus à chaque départ. Unetrajectoire s’illumine issuedes ombrespassées. Le regard vissé sur le centre de la route, des traits blancs défilent, apparaissent, disparaissent à espace régulier. Les alentours ne sont que des fantômes sombres, arbres frêles, réverbères oscillants ou collines spectrales. Ephémères cherchant un lampadaire pour oublier la nuit, nous ne sommes que deux voyageurs égarés, deux sinistrés hagards loin de leur vie, loin de leur réserve. Deux corps tendus.
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Chapitre 2 01:41
Deux corps conquérants. La délivrance, le soulagement contrastent avec la résistance de l’esprit à ne pas rompre ses habitudes. Un chien même battu retourne à son maître, non? Il y a tellement de nous qui s’accroche au passé, par on ne sait quelle volonté, alors se joue une guerre intestine qui ne connait pas la trêve. Il n’était pas encore une heure du matin lorsque nous avons pris ladécision sans regret, sans amertume. D’un commun accord le présent était scellé, nous partons d’ici. L’avenir devrait, on l’espère, réserver des surprises mais le présent est la certitude, le libre choix. Nous savons bien ce qui restera derrière mais nous avons le sentiment qu’il y a une force supérieure qui nous guide, nous accompagne et nous veut déterminés. On ne peut pas prétendre à mieux que fuir. On emporte quelques affaires, ces choses que l’on croit essentielles mais qui en réalité sont dispensables et encombrées de souvenirs. Comme dernier adieu j’attrape ma veste à capuche qui était sur la patère derrière la porte. Nous partons. Je lui donne la main. Ce geste résonne comme un chant des possibles et des vertiges. Nous ne sommes plus seuls. Nous sommes deux. D’aucuns pensent que la liberté se prend, nous avons compris qu’elle se conquiert. Je ne te lâcherai plus. Tu deviens mon unique repère. Tu es l’indice dans la nuit noire. Des heures de route, la pluie a cessé, le jour s’ouvre enfin sur la campagne d’automne, silencieuse et vert-jaune. Une douceur qui appelle une beauté, le répit nous est offert par les halos éblouissants du matin. Tu dors seulement depuis que la lumière caresse ton visage. Deux corps conquérants.
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Deux corps conquérants. La délivrance, le soulagement contrastent avec la résistance de l’esprit à ne pas rompre ses habitudes. Un chien même battu retourne à son maître, non? Il y a tellement de nous qui s’accroche au passé, par on ne sait quelle volonté, alors se joue une guerre intestine qui ne connait pas la trêve. Il n’était pas encore une heure du matin lorsque nous avons pris ladécision sans regret, sans amertume. D’un commun accord le présent était scellé, nous partons d’ici. L’avenir devrait, on l’espère, réserver des surprises mais le présent est la certitude, le libre choix. Nous savons bien ce qui restera derrière mais nous avons le sentiment qu’il y a une force supérieure qui nous guide, nous accompagne et nous veut déterminés. On ne peut pas prétendre à mieux que fuir. On emporte quelques affaires, ces choses que l’on croit essentielles mais qui en réalité sont dispensables et encombrées de souvenirs. Comme dernier adieu j’attrape ma veste à capuche qui était sur la patère derrière la porte. Nous partons. Je lui donne la main. Ce geste résonne comme un chant des possibles et des vertiges. Nous ne sommes plus seuls. Nous sommes deux. D’aucuns pensent que la liberté se prend, nous avons compris qu’elle se conquiert. Je ne te lâcherai plus. Tu deviens mon unique repère. Tu es l’indice dans la nuit noire. Des heures de route, la pluie a cessé, le jour s’ouvre enfin sur la campagne d’automne, silencieuse et vert-jaune. Une douceur qui appelle une beauté, le répit nous est offert par les halos éblouissants du matin. Tu dors seulement depuis que la lumière caresse ton visage. Deux corps conquérants.
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Chapitre 3 01:39
Deux corps absents. Le trajet indéfini, improvisé s’associe aux variations picturales du matin. Le regard se disperse et se pose sur autant de tableaux. La route semble s’ouvrir devant nous pleine d’espérance et de bienveillance. Il n’y a plus de sinuosités mais des routes rectilignes comme si le moral influait directement sur les trajectoires. Je regarde alentour avec des convictions. Je perçois le monde parce que je le désire. J’ai soif, j’ai faim, j’ai des envies et je te vois comme la première fois. Tous les deux nous avions neuf ans lors de notre première rencontre et pourtant aucun souvenir de la façon dont notre amour s’est noué. A quel moment s’est-on croisés? A quel moment s’est-on compris? Je ne le sais pas. Je ne souhaite pas le savoir. Origine immémoriale. J’aime à croire qu’une histoire sans début est une histoire sans fin. Je n’avais qu’une existence transparente et un langage trouble, tous les deux marqués de l’empreinte de la terre. J’allais et venais, de l’école à la maison puis de la maison à l’école. Une entreprise solitaire où le regard et le corps fuyaient de part en part, de jour en jour. Je me percevais comme une ombre ambulante. C’était une rentrée d’école comme les autres, appréhendée et triste mais l’ombre était plus imposante que les années passées car elle était formée de deux corps d’enfant qui tournaient le dos au soleil. Finalement elle ressemble à cela notre rencontre. Unepromenade, deux fantômes et un soleil radieux. Nous remontions la même colline, d’un même pas et son chemin se poursuivait plus haut, jusqu’au bocage qui abritait sa maison. Sans mots, paisible, je l’observais et je l’aimais déjà. Je ne le savais pas. Deux corps absents.
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Deux corps absents. Le trajet indéfini, improvisé s’associe aux variations picturales du matin. Le regard se disperse et se pose sur autant de tableaux. La route semble s’ouvrir devant nous pleine d’espérance et de bienveillance. Il n’y a plus de sinuosités mais des routes rectilignes comme si le moral influait directement sur les trajectoires. Je regarde alentour avec des convictions. Je perçois le monde parce que je le désire. J’ai soif, j’ai faim, j’ai des envies et je te vois comme la première fois. Tous les deux nous avions neuf ans lors de notre première rencontre et pourtant aucun souvenir de la façon dont notre amour s’est noué. A quel moment s’est-on croisés? A quel moment s’est-on compris? Je ne le sais pas. Je ne souhaite pas le savoir. Origine immémoriale. J’aime à croire qu’une histoire sans début est une histoire sans fin. Je n’avais qu’une existence transparente et un langage trouble, tous les deux marqués de l’empreinte de la terre. J’allais et venais, de l’école à la maison puis de la maison à l’école. Une entreprise solitaire où le regard et le corps fuyaient de part en part, de jour en jour. Je me percevais comme une ombre ambulante. C’était une rentrée d’école comme les autres, appréhendée et triste mais l’ombre était plus imposante que les années passées car elle était formée de deux corps d’enfant qui tournaient le dos au soleil. Finalement elle ressemble à cela notre rencontre. Unepromenade, deux fantômes et un soleil radieux. Nous remontions la même colline, d’un même pas et son chemin se poursuivait plus haut, jusqu’au bocage qui abritait sa maison. Sans mots, paisible, je l’observais et je l’aimais déjà. Je ne le savais pas. Deux corps absents.
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Chapitre 4 02:01
Deux corps enfants. Deux spectres énamourés qui prenaient leur envol. Rien ne se disait. En longeant les labours et les guérets, nous devenions de belles promesses, une foi réciproque, totale et vive. Nous partions d’un pas harmonieux puis quelques mètres après le portail de l’école, l’un ou l’autre s’écartait, se distrayait, se laissait distancer mais, seulement et simplement, parce que l’attente de l’un était la victoire de l’autre. Les rôles s’inversaient, les parcours s’étendaient, les saisons passaient et les errements persistants devenaient des destinations singulières. Les ombres abalourdies que nous étions sont devenues des corps. Les silhouettes encore vaporeuses perdaient leur carapace. Les contours frémissants n’étaient plusdes esquisses. La vie, la famille, l’école heurtaient. Pourtant, plus rien n’était comme avant. A s’appartenir on pouvait bâtir un empire. Les paysages comme les visages n’avaient plus la force de nous chahuter. L’union de la carpe et du lapin dans le décor d’une campagne séculaire et morne. Voilà ce que nous représentions. Autant dire des parias, entreprenants et insouciants, mus par la volonté de s’initier à la vie. On a compris très vite que l’absence de mots était notre langage. Notre force était régie de longs silences et de notre envie de celer les discours. Pourquoi des mots? Nous n’en éprouvions ni l’envie, ni le besoin. Sans doute aussi que l’attention que l’on se portait, inhabituelle pour nous, était le luxe ultime que l’on s’offrait. Je te regarde si longuement que tes gestes et ton regard deviennentdes phrases. On nous a fait naître dans un dédale, un labyrinthe obscur et cruel mais nous avons trouvé un chemin de traverse pour rejoindre la mer. Deux corps enfants.
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Deux corps enfants. Deux spectres énamourés qui prenaient leur envol. Rien ne se disait. En longeant les labours et les guérets, nous devenions de belles promesses, une foi réciproque, totale et vive. Nous partions d’un pas harmonieux puis quelques mètres après le portail de l’école, l’un ou l’autre s’écartait, se distrayait, se laissait distancer mais, seulement et simplement, parce que l’attente de l’un était la victoire de l’autre. Les rôles s’inversaient, les parcours s’étendaient, les saisons passaient et les errements persistants devenaient des destinations singulières. Les ombres abalourdies que nous étions sont devenues des corps. Les silhouettes encore vaporeuses perdaient leur carapace. Les contours frémissants n’étaient plusdes esquisses. La vie, la famille, l’école heurtaient. Pourtant, plus rien n’était comme avant. A s’appartenir on pouvait bâtir un empire. Les paysages comme les visages n’avaient plus la force de nous chahuter. L’union de la carpe et du lapin dans le décor d’une campagne séculaire et morne. Voilà ce que nous représentions. Autant dire des parias, entreprenants et insouciants, mus par la volonté de s’initier à la vie. On a compris très vite que l’absence de mots était notre langage. Notre force était régie de longs silences et de notre envie de celer les discours. Pourquoi des mots? Nous n’en éprouvions ni l’envie, ni le besoin. Sans doute aussi que l’attention que l’on se portait, inhabituelle pour nous, était le luxe ultime que l’on s’offrait. Je te regarde si longuement que tes gestes et ton regard deviennentdes phrases. On nous a fait naître dans un dédale, un labyrinthe obscur et cruel mais nous avons trouvé un chemin de traverse pour rejoindre la mer. Deux corps enfants.
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Chapitre 5 01:37
Deux corps exaltés. Deux brebis égarées dans une arène de terre et de ciel. Chaque jour d’école, l’impatience de se retrouver, la marche groupée. Un espace que l’on se dédiait de façon inconditionnelle. Une transformation vertueuse qui nous rendait fiers comme Artaban sur la voie royale. Chaque jour ce rendez-vous, cette liturgie qui rendait notre relation insaisissable et imperfectible. Peu à peu les horizons sont devenus des oracles annonçant la rémission et l’amour. Nous étions, en quelque sorte, revenusd’une longue traversée d’hiver et les phénomènes prenaient sens. Nous ne résistions plus à la folie qui nous guettait. Un déséquilibre permanent qui nous servait d’exutoire. L’envie irrépressible de désapprendre le monde, de s’en soustraire. Si l’un de nous prenait un bâton pour marquer les chemins de terre de son passage alors le jeu consistait à inventer des sortes d’agroglyphes que nous imaginions messages au ciel. Des heures à tracer des cercles, des triangles, des lunes et des toits de maison. Une chorégraphie secrète pour un dialogue intime. Visages révulsés dans une danse insensée et chamanique. Nous balancions les bras, les jambes pour alerter le firmament azuré que nos esprits fébriles et impatients se dirigeaient vers lui. Quelques cris accompagnés de souffles courts. Un répertoire minimaliste que l’on concluait fragiles car la fin avait toujours un goût de rupture. Là-haut, lorsque nos chemins se séparaient, nos corps fatigués par le ballet devenaient des dépouilles. Une langueur térébrante. Les promesses de se retrouver devenant le dernier rempart avant la nuit. Deux corps exaltés.
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Deux corps exaltés. Deux brebis égarées dans une arène de terre et de ciel. Chaque jour d’école, l’impatience de se retrouver, la marche groupée. Un espace que l’on se dédiait de façon inconditionnelle. Une transformation vertueuse qui nous rendait fiers comme Artaban sur la voie royale. Chaque jour ce rendez-vous, cette liturgie qui rendait notre relation insaisissable et imperfectible. Peu à peu les horizons sont devenus des oracles annonçant la rémission et l’amour. Nous étions, en quelque sorte, revenusd’une longue traversée d’hiver et les phénomènes prenaient sens. Nous ne résistions plus à la folie qui nous guettait. Un déséquilibre permanent qui nous servait d’exutoire. L’envie irrépressible de désapprendre le monde, de s’en soustraire. Si l’un de nous prenait un bâton pour marquer les chemins de terre de son passage alors le jeu consistait à inventer des sortes d’agroglyphes que nous imaginions messages au ciel. Des heures à tracer des cercles, des triangles, des lunes et des toits de maison. Une chorégraphie secrète pour un dialogue intime. Visages révulsés dans une danse insensée et chamanique. Nous balancions les bras, les jambes pour alerter le firmament azuré que nos esprits fébriles et impatients se dirigeaient vers lui. Quelques cris accompagnés de souffles courts. Un répertoire minimaliste que l’on concluait fragiles car la fin avait toujours un goût de rupture. Là-haut, lorsque nos chemins se séparaient, nos corps fatigués par le ballet devenaient des dépouilles. Une langueur térébrante. Les promesses de se retrouver devenant le dernier rempart avant la nuit. Deux corps exaltés.
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Chapitre 6 01:38
Deux corps secrets. Nous acceptons le mystère des non-dits. La plupart d’entre nous est convaincue de la nécessité des dialogues parce qu’ils permettent les explications et l’assentiment mais nous ne sommes pas du même bois. Nos mots absents sont un édifice en construction, ils aspirent toujours à nous bâtir un asile. Je n’ai jamais cru l’assertion d’Eluard lorsqu’ il écrivait «les muets sont des menteurs». Non pas que les mots n’aient pas de sens mais nous avons faits de nos corps des réponses, une désapprobation est une contraction, un clignement une adhésion. Notre ascèse muette est un élan impétueux de l’un vers l’autre. La grandeur comme la médiocrité des sentiments ne se disent pas. J’ai formé des rondes avec de jeunes hêtres. J’ai avancé sur des marelles avec des saules. J’ai fait l’école buissonnière avec des charmes. Je croyais que les arbres étaient des hommes. J’ai compris que la forêt était moins une allégorie qu’une réalité, elle avait plus de cœur que les hommes. Puis nous nous sommes atteints. Ta main est devenue branche et ta bienveillance une clairière. Au bord de la route le panorama est fugace, les campagnes deviennent villes et les villes deviennent campagnes. Une succession imprévisible, des apparitions sporadiques de maisons, garages, haies, stations, portails et autres panneaux. Ce sont autant d’ingrédients d’une vie que nous pourrions construire, une vie à laquelle nous pourrions prétendre, une vie vers laquelle nous avançons. Inéluctable rêverie d’un itinéraire sans retour, indispensable étendue pour une marche en avant. Deux corps secrets.
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Deux corps secrets. Nous acceptons le mystère des non-dits. La plupart d’entre nous est convaincue de la nécessité des dialogues parce qu’ils permettent les explications et l’assentiment mais nous ne sommes pas du même bois. Nos mots absents sont un édifice en construction, ils aspirent toujours à nous bâtir un asile. Je n’ai jamais cru l’assertion d’Eluard lorsqu’ il écrivait «les muets sont des menteurs». Non pas que les mots n’aient pas de sens mais nous avons faits de nos corps des réponses, une désapprobation est une contraction, un clignement une adhésion. Notre ascèse muette est un élan impétueux de l’un vers l’autre. La grandeur comme la médiocrité des sentiments ne se disent pas. J’ai formé des rondes avec de jeunes hêtres. J’ai avancé sur des marelles avec des saules. J’ai fait l’école buissonnière avec des charmes. Je croyais que les arbres étaient des hommes. J’ai compris que la forêt était moins une allégorie qu’une réalité, elle avait plus de cœur que les hommes. Puis nous nous sommes atteints. Ta main est devenue branche et ta bienveillance une clairière. Au bord de la route le panorama est fugace, les campagnes deviennent villes et les villes deviennent campagnes. Une succession imprévisible, des apparitions sporadiques de maisons, garages, haies, stations, portails et autres panneaux. Ce sont autant d’ingrédients d’une vie que nous pourrions construire, une vie à laquelle nous pourrions prétendre, une vie vers laquelle nous avançons. Inéluctable rêverie d’un itinéraire sans retour, indispensable étendue pour une marche en avant. Deux corps secrets.
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Chapitre 7 02:03
Deux corps embrasés. Par moment notre avancée est d’une grande douceur, une grâce chaleureuse quiconstitue la gangue de meilleurs auspices. Nous profitons paisiblement de notre fuite. Nous percevons enfin la saveur de la liberté idéelle qui s’offre, naissante et hospitalière. Notre premier arrêt se fait dans une zone âcre où la tristesse d’une épave de remorque le dispute à la laideur d’un portail. Un pseudo parking qui ne nous attendait pas. Une atmosphère délétère qui ne nous pénètre pas. Une immunité de circonstance. La soirée approche et ce lieu circonscrit ne nous inquiète pas plus que les lisières de nos champs. Les édifices passés s’écroulent. La longue et lente libération opère. D’un passé trop lourd, d’une misère trop grande. D’enfants, nous passons à adultes sans héritage.Les principes des hommes sont des frontières inamovibles. S’en éloigner est-ce s’en libérer? La réponse claque comme la dissidence espérée. Nos corps sont si proches qu’ils forment un territoire. Nous n’étions que des arbres désertant la forêt, nous sommes enfin de chair à nous prêter serment, àvivre intensément notre nouvelle vie. Nos désirs s’accordent et ils nous brûlent. Nous sommes un feu dans la nuit qui s’avance. Que reste-t-il au-delà de l’envie irrépressible de vivre ? Que reste-t-il au-delà ? Que vaut l’amour auprès de la survie? La voiture est partie dans une danse folle, de celle dont nous avions le secret. Malgré la volonté farouche de nous garder intacts, je n’ai pas pu suivre la route. J'ai compris. Les mots n’auraient jamais suffi. Nous sommes une comète. Le matin se lève sur une épave calcinée. Deux corps embrasés.
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Deux corps embrasés. Par moment notre avancée est d’une grande douceur, une grâce chaleureuse quiconstitue la gangue de meilleurs auspices. Nous profitons paisiblement de notre fuite. Nous percevons enfin la saveur de la liberté idéelle qui s’offre, naissante et hospitalière. Notre premier arrêt se fait dans une zone âcre où la tristesse d’une épave de remorque le dispute à la laideur d’un portail. Un pseudo parking qui ne nous attendait pas. Une atmosphère délétère qui ne nous pénètre pas. Une immunité de circonstance. La soirée approche et ce lieu circonscrit ne nous inquiète pas plus que les lisières de nos champs. Les édifices passés s’écroulent. La longue et lente libération opère. D’un passé trop lourd, d’une misère trop grande. D’enfants, nous passons à adultes sans héritage.Les principes des hommes sont des frontières inamovibles. S’en éloigner est-ce s’en libérer? La réponse claque comme la dissidence espérée. Nos corps sont si proches qu’ils forment un territoire. Nous n’étions que des arbres désertant la forêt, nous sommes enfin de chair à nous prêter serment, àvivre intensément notre nouvelle vie. Nos désirs s’accordent et ils nous brûlent. Nous sommes un feu dans la nuit qui s’avance. Que reste-t-il au-delà de l’envie irrépressible de vivre ? Que reste-t-il au-delà ? Que vaut l’amour auprès de la survie? La voiture est partie dans une danse folle, de celle dont nous avions le secret. Malgré la volonté farouche de nous garder intacts, je n’ai pas pu suivre la route. J'ai compris. Les mots n’auraient jamais suffi. Nous sommes une comète. Le matin se lève sur une épave calcinée. Deux corps embrasés.

about

Hir*shima m*n am*ur : Joël Lafargue / David Lansat Campa / Fabrice Bonnaudin

credits

released March 15, 2019

Musique : Hir*shima m*n am*ur et Carlos Soares
Textes : Fabrice Bonnaudin
Enregistrement, mix, mastering : Nicolas De Lavenere et Hir*shima m*n am*ur
Photographies : Gérald Debiard
Conception graphique : Olivier Poque
Vidéos : Philippe Maynard et Fabrice Bonnaudin
Conçu et réalisé entre février 2017 et décembre 2018

Vous pouvez nous contacter par mail pour obtenir le livret : hiroshima.contact@gmail.com

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about

Hir*shima m*n am*ur Fumel, France

*2005* Génèse du projet / Formation du trio
*2009* Ep Un pas dans ta mémoire…
*2011* Split LP avec Slogan Incipit
*2015* Album L’homme intérieur
*2019* Album
Deux Corps

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